Rauw Alejandro, très amoureux de ses racines dans ‘Cosa Nuestro’

‘Notre truc’

Rauw Alejandro

Sony Musique

musique latine

★★★

L’artiste portoricain Rauw Alejandro a fait disparaître ce « w » de son nom sur les réseaux sociaux et a retrouvé son élé d’origine pour ressembler, désormais sans les codes de notre époque, à Raúl Alejandro, une marque plus ancienne qui, comme il l’a bien détecté, s’adapte parfaitement à sa nouvelle œuvre, « Cosa Nuestro »un album basé sur des sons aux racines caribéennes, comme un regard fasciné sur l’histoire musicale de l’île de Porto Rico, de ses mers et de ses voisins. Pour eux, pour ses racines, il chante amoureux cette fois avec passion après sa fameuse rupture sentimentale avec Rosalía. Dans l’introduction remarquable « Cosa Nuestro », il se présente même comme un « célibataire convoité »..

Ce prétexte le place loin de ses œuvres récentes, notamment du « futuriste » « Saturno » (2023), et, en même temps, le place dans une lutte compliquée : celle d’honorer des idoles éternelles pour devenir l’une d’entre elles. Mais Rauw Alejandro, star latine déjà établie, a le capacité à être perméable et parvient à s’adapter à ces sons qui coulent dans ses veines et qui ne sont pas son R&B et son reggaeton habituels. Un discours, un regard vers le passé, avec des hauts et des bas et quelque chose d’inconstant, puisqu’il présente également « What could arriver… » avec Bad Bunny, une pièce de danse remarquable pour la discothèque d’aujourd’hui. Le Portoricain, homme aux histoires intenses et à la sensualité débordante, affronte souvent sa musique avec la vigueur d’un dernier vis-à-vis, comme le montre clairement la chanson susmentionnée ou son prédécesseur, « Déjame en ».

Une balançoire

Tout au long des 18 chansons de « Cosa Nuestro », il y a des alternances constantes tant au niveau temporel qu’au niveau émotionnel. Un Rauw Alejandro attristé assume la douleur de ‘Tú con él’ (1985), de Frankie Ruiz, dans un autre hommage salsero résolu avec succès, et aussi celle de la version pas très nécessaire de ‘Se fue’ avec Laura Pausini – pièce présentée à d’ailleurs les Latin Grammys 2023 devant Rosalía. Il y a aussi des cris de douleur écrits de sa propre main (« J’aurais aimé qu’il y ait une machine à voyager dans le temps ») dans le « je ne me connais même pas » sincère et profond. Au lieu de cela, un Rauw Alejandro louche rejoint Alexis et Fido dans ‘Baja pa’ aca » pour annoncer gentiment : « Je vais t’attacher à mon lit, c’est un enlèvement ». Un autre ton se dévoile dans le merengue rapide et amusant « Mil mujeres » : « Oh, écoute, l’avantage d’être seul, c’est que tu peux tout faire. ». Dans la section des collaborations, on remarquera (plus pour le qui que pour le comment) l’union avec Pharrell Williams dans une expérience intitulée ‘Committee’ et, surtout, ‘Revolú’, un mélange soyeux avec le reggaeton de Feid, et ‘Khé ?’ , une chanson douce et légère avec le roi de la bachata (et du flirt) Romeo Santos.

L’album entre dans sa dernière ligne droite avec le réconfortant et en même temps effrayant ‘Amar deagain’ (« J’avais oublié à quel point il est facile de rire ; à tel point que j’ai encore eu peur ») pour terminer avec l’agréable ‘Sexxxmachine’, qui comprend ‘sample’ de James Brown et le message final : « Tout a sa fin, mais au moins ici, vous pouvez donner une ‘répétition' ».

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AMP Musique et disques

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