Le psychologue Xavier Guix (Sant Boi, 1960) considère qu'un grand nombre d'adolescents et de jeunes parlent de leurs souffrances et de leurs malaises émotionnels – dont beaucoup sont intrinsèques à l'âge et à la nature humaine – avec un langage strictement parlant. médecin. A l'occasion de la Journée de la psychologie, ce spécialiste décortique comment l'influence de réseaux sociaux Conjugués au manque de soutien et d’orientation, ils ont créé, à leur avis, un problème aujourd’hui difficile à résoudre.
Quelle est la raison de cette médicalisation du mal-être ?
Il est important de comprendre que nous sommes dans une société qui a adopté de manière positive la médecine préventive, qui nous prépare et nous informe avant de subir des difficultés. Ce fait a créé une hypocondrie qui pousse les gens à consulter le médecin à la moindre occasion. En même temps, nous sommes confrontés à une société du bonheur, dans laquelle, si un jeune ne va pas bien, on l'associe à un déficit de bonheur et on va vite résoudre le problème comme s'il s'agissait d'une maladie, en le médicalisant. D'autre part, les difficultés ou les troubles affectifs tels que l'anxiété ou la dépression sont désormais considérés comme des troubles mentaux, ce qui fait que ceux qui en souffrent ont une perception d'une extrême gravité.
Quelle est la relation entre ce type de comportement et les réseaux sociaux ?
Les réseaux détournent l’attention et la volonté, ce qui diminue la motivation et le désir d’agir et accroît l’incapacité à se gouverner soi-même. Il y a moins de capacité à avoir une pensée complexe et il est difficile de relier les choses parce que la technologie prépare tout. Lorsque cela se produit, l’esprit critique et la capacité créatrice sont perdus. C’est pourquoi ils ont besoin d’une autre conscience de ce qui leur arrive, d’un soutien qui les guide.
Pouvait-on affirmer que les jeunes sont aussi technologiquement natifs que médicalisés ?
Sans aucun doute, ils s’associent et parlent de leurs mal-êtres en termes médicaux. De plus, nous sommes entrés dans la dynamique, pas toujours réussie, de la résolution des conflits par la médication. En prévention, on consulte immédiatement le médecin et on finit souvent par prendre des médicaments avec une certaine facilité. Chaque professionnel donnera ses raisons, et ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas le faire, mais là on a un problème, car il y a de plus en plus de mineurs qui prennent des médicaments.
Ces derniers temps, il est également devenu normal que les adolescents se tournent vers les réseaux comme source d’information.
C’est un phénomène que nous ne pouvons pas éviter, car ils n’ont pas la moindre idée de qui est l’autorité. Lorsqu’il n’y a pas de critère et que l’information n’est pas partagée avec la famille et les professionnels, c’est la solution la plus rapide qui est retenue. Ils prennent certains utilisateurs comme références et suivent ce modèle, et ce faisant, ils perdent la volonté et l'attention qui vont directement à cette référence.
La surexposition de ces problèmes sur les réseaux a-t-elle au moins contribué à normaliser ce qui était auparavant tabou ?
Il pourrait être. Nous avons besoin d'outils d'information car lutter contre les réseaux va être impossible et nous ne trouverons pas une figure ou un établissement que tout le monde reconnaît comme le bon. Souvent, les jeunes ne racontent pas ce qu'ils vivent, ils ne l'expliquent pas à la maison, ils en parlent seulement entre eux, il faut donc comprendre que sur Internet, ils trouvent leur tribu, où se trouvent des gens qui vivent même chose qu'eux. C’est là qu’ils trouvent des miroirs, même s’il existe également un risque que ces miroirs puissent les tromper ou les manipuler, générant ainsi une perception erronée.
Recourons-nous excessivement aux soins médicaux parce qu’aucune autre alternative n’est trouvée ?
Des alternatives émergent mais elles ne sont pas encore visibles en raison de l’ampleur du problème. De nombreux groupes d'adolescents ont été créés pour apporter un soutien pendant le processus et fonctionnent très bien. En ce sens, j’ai bon espoir que des alternatives ne cessent d’apparaître. Ce sont les jeunes eux-mêmes qui doivent trouver la solution, car ce sont eux qui trouvent les mécanismes qui les aident le mieux.
Comment la fascination pour le banal influence-t-elle tout cela ?
Oui, cela a de l'influence. Ceux qui suivent le banal le font parce qu’ils se considèrent comme banals. Ils n’ont pas trouvé ce qui les motive et peut-être que la machine détourne leur attention. Les réseaux ne sont pas tout, ils ne sont pas la vie, il faut vivre la vie. Le problème survient lorsqu’une personne pense que ce qu’elle vit à travers elle est réel.
Voyez-vous des solutions à long terme ou pensez-vous que ce phénomène va s’aggraver ?
Les deux choses sont possibles, cela dépend de la façon dont vous voulez le voir. Petit à petit, nous nous déshumanisons à travers les machines, mais d'un autre côté, il y a aussi beaucoup de gens qui voient que ce n'est pas la vie. Les deux possibilités sont réelles, tout dépendra de la perception et de l’endroit où vous déciderez d’y prêter attention.